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Feuille de soins

Les avancées à pas comptés de la protection complémentaire

04/02/2021

Après des années d’attente, la réforme de la protection sociale complémentaire des agents de la fonction publique est lancée. Une avancée sociale qui instaure l’obligation de participation pour les employeurs, mais dont les modalités restent à définir.

La réforme de la complémentaire santé et prévoyance dans la fonction publique se concrétise, après plusieurs mois de débats. Un chantier de taille qu’Amélie de Montchalin, ministre de la Transformation et de la fonction publiques, s’était engagée à relancer lors du rendez-vous salarial de juillet, pour mettre fin à « une injustice majeure » : « Contrairement aux salariés du secteur privé, qui bénéficient d’une protection sociale financée par leur employeur, les agents publics doivent trop souvent supporter l’intégralité du coût de leur couverture. Il faut remédier à cette inégalité, dans le contexte de crise sanitaire que nous connaissons. »

Des discussions avec les syndicats et les employeurs avaient débuté au début du mois de décembre. Prévu par la loi du 6 août 2019, le projet d’ordonnance organisant cette petite révolution dans les trois versants a été examiné le 18 janvier devant le Conseil commun de la fonction publique, avant une présentation le 7 mars en conseil des ministres. La publication de la version définitive du texte est attendue avant le début du mois d’avril.

Principale avancée de cette refonte : la participation des employeurs publics sera désormais obligatoire. Ce rééquilibrage intervient cinq ans après l’entrée en vigueur de l’accord national interprofessionnel instaurant, pour les employeurs du secteur privé, l’obligation de faire bénéficier leurs salariés d’une couverture complémentaire et d’y participer à hauteur de 50 %.

Les employeurs publics ménagés
 

Un progrès social indéniable pour les agents, qui se fera néanmoins pas à pas. Le gouvernement ménage les employeurs des trois versants. Dans la territoriale, l’objectif de prise en charge de 50 % de la complémentaire santé devra être mis en œuvre à partir du 1er janvier 2026. Et l’obligation de participation de 20 % pour le risque prévoyance le 1er janvier 2024.

Le coût financier en est estimé, par le gouvernement, à 2 milliards d’euros pour l’ensemble de la fonction publique. Difficile de chiffrer précisément la dépense du côté de la territoriale, beaucoup d’employeurs participant déjà et à des niveaux divers aux complémentaires de leurs agents.

Ces dernières années, cette participation progresse. Selon le dernier baromètre de l’Ifop pour la Mutuelle nationale territoriale (MNT), réalisé en décembre 2020 auprès de 301 décideurs représentatifs des collectivités, 78 % des collectivités participent financièrement en prévoyance (69 % en 2017).

Cette participation s’élève, en moyenne, à 12,20 euros par mois et par agent (11,40 euros en 2017). En matière de santé, 66 % des collectivités déclarent participer financièrement à la complémentaire de leurs agents (56 % en 2017), pour un montant moyen de 18,90 euros par mois et par agent (17,10 euros en 2017). Des chiffres à relativiser, toutefois, si l’on se réfère aux bilans sociaux 2017 des collectivités.

 

« Les négociations avec les employeurs ont été ardues, mais nous sommes parvenus à ce compromis, qui est tout à fait convenable », retrace Philippe Laurent, porte-parole de la coordination des employeurs, qui a qualifié la présentation du texte de « moment historique ».

Lui, qui avait plaidé pour une prise en charge plus généreuse du risque prévoyance, se dit satisfait du contenu de cette réforme. « Le principal est que le premier pas soit fait, à savoir obliger les employeurs à participer et que ces derniers se soient positionnés sur ce sujet majeur », estime-t-il, tout en rappelant les pertes de ressources auxquelles ont dû faire face les collectivités durant la crise sanitaire.

Un compromis trouvé
 

De son côté, Alain Gianazza est plus réservé sur les arbitrages du gouvernement. Selon le président de la MNT, le taux de participation de 20 % est inadapté au versant territorial. « C’est le premier risque à couvrir. La participation, à terme, devrait être de 50 %, comme pour la santé. Pour atteindre ce point de bascule, il faut mettre en place un dispositif transitoire dès 2022 », insiste-t-il.

Des propositions partagées par un groupe parlementaire coordonné par la mutuelle et emmené par le député (LREM) Eric Poulliat, qui a rendu ses préconisations à la ministre à la veille de l’examen du projet d’ordonnance.

Concernant l’obligation ou non d’adhésion des agents aux nouveaux contrats de santé, le gouvernement a d’ores et déjà fait figurer la possibilité de mettre en place des conventions collectives à adhésion obligatoire. Ce choix sera conditionné, pour les employeurs qui le feront, à des accords majoritaires, dans le cadre de la négociation collective. Des procédures de mise en concurrence sont également prévues.

Cette ouverture à souscription obligatoire ne convainc pas les professionnels du secteur, qui plaident, au contraire, pour la liberté d’adhésion. « Les études que nous avons menées démontrent que l’obligation d’adhésion est contre-productive et conduit a une segmentation entre actifs et retraités », avait notamment argumenté Serge Brichet, président de la Mutualité fonction publique, lors de son assemblée générale annuelle, en novembre.

Solidarité entre actifs et retraités

De son côté, Sarah Deslandes, vice-présidente de l’Association des DRH des grandes collectivités, met en garde sur le risque d’uniformisation des versants. Elle insiste sur les spécificités de la territoriale, dans laquelle coexistent les systèmes de labellisation et de convention : « Il est important de maintenir ce double dispositif, qui fonctionne bien et permet aux collectivités de choisir ce qui leur convient. »

La nécessité du maintien de la labellisation avait été rappelée dans un rapport inter-inspections (inspections générales des finances, des affaires sociales et de l’administration) sur la question. Dans leurs conclusions, rendues publiques en octobre, les inspections pointaient le risque, si le principe de labellisation était abandonné, d’aboutir à des contrats moins-disants, proposés par certains opérateurs aux offres sous-tarifées. Les inspections recommandent ainsi d’améliorer les conditions de mise en œuvre de la labellisation, en limitant le nombre d’organismes complémentaires labellisés et en renforçant les exigences liées à leur sélection.

Autre question centrale que devront trancher les discussions par versant, en vue d’élaborer les décrets d’application de l’ordonnance : la délimitation du socle minimal du panier de soins, qui devrait être aligné sur ce qui se pratique dans le secteur privé.

Sur le volet « prévoyance », il faudra impérativement, selon Sarah Deslandes, que le socle minimal comprenne le maintien du demi-traitement en cas d’incapacité de travail, mais aussi permette d’opter pour une garantie décès. « Alors que 50 % des agents territoriaux ne sont pas couverts en matière de prévoyance, il faut rappeler que le risque majeur est l’invalidité professionnelle et la perte de salaire que cela entraîne », pointe-t-elle.

La feuille de route transmise aux syndicats par le ministère revient en outre sur la nature et la portée des contrats. Le principe de solidarité intergénérationnelle entre actifs et retraités dans les futurs dispositifs y est inscrit, tout comme le maintien des conditions d’accès des retraités aux contrats proposés.

Des modalités qui devront être définies dans le courant de l’année 2022 et faire l’objet de discussions avec les partenaires sociaux. 

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